jeudi 16 mai 2013

Mohammed Toufik, Ecrivain : «Je traduis mes maux en mots»


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le 16.05.13 |
 © El Watan
 

Amel, Rachida, Tahar, Kaki… des personnages rescapés de l’histoire décousue de l’Algérie des années 1990 et invoqués dans un livre de Mohammed Taoufik. El Watan Week-end évoque avec l’auteur (qui passe demain à 19h sur Berbère TV) l’innommable histoire des Algériens revenus de loin.

Propos recueillis par Faten Hayed
hfaten@elwatan.com

Une vie sous le terrorisme, le titre de votre livre ne présage rien de bon.
Pourtant c'est aussi une histoire d'amour qui se déroule pendant la décennie noire dans la ville d'Oran, plus précisément dans le quartier Eckmûl où a grandi cheb Khaled (d'ailleurs qui est évoqué dans le livre). Cette histoire parle à tous les Algériens.
Pour qui avez-vous écrit ce livre ?
J'ai écrit ce livre pour moi parce que j'avais peur d'oublier. Je rends hommage également à toutes les femmes algériennes et à leur courage, car c'est ma mère qui m’a appris à être courageux.
En hommage aux Algériennes violées ?
A toutes celles qui ont subi les exactions du terrorisme, et celles aussi qui ont vu leur vie basculer dans l’injustice de l’après-viol.
Vous voulez dire, le droit à l’avortement que vous évoquez à la fin de votre livre ?
Précisément. Je suis un jeune qui traduit ses maux en mots. Je ne garantis pas qu’en lisant mes mots, les maux des autres vont disparaître. De même que je ne suis pas responsable si en lisant mes mots, les lecteurs attrapent des maux.
Votre livre est un assemblage d’histoires adaptables au cinéma et au théâtre.
Tout à fait. Il y a un projet en cours d'adaptation de l'histoire d’Amel en monologue au théâtre, j’y travaille durement en ce moment.
Pensez-vous trouver un lectorat en Algérie ?
C’est une histoire racontée par un Algérien pour des Algériens. J’aimerais participer au prochain Salon international du livre d’Alger pour y présenter mon livre. Cependant je cherche un éditeur algérien qui pourrait me suivre dans cette aventure. Pour le moment, le livre n’est disponible qu’en France.
Bio express
Mohammed Taoufik est né le 31 décembre 1975 à Oran, dans le quartier d'Eckmûl. Arrivé en France en 1999, il a été pigiste pour Le Satiricon, journal satirique toulousain, la revue Lien Social, le journal universitaire La Détressedu Mirail. Il a été correspondant pour L’Echo d'Oran. Il écrit des articles, des poèmes mais aussi des scénarios de court métrage. Il est diplômé en psychologie et en sciences de l'éducation de l'université Toulouse le Mirail.
Pour commander le livre, il y a une possibilité en envoyant un mail à cette adresse : uneviesousleterrorisme@gmail.com

Extrait :
«Le lendemain, Rachida me dit que les associations de femmes avaient demandé au gouvernement l’autorisation pour les femmes violées d’interrompre leur grossesse, et que celui-ci avait fait suivre la demande au Conseil consultatif de l’islam sunnite El Azhar, au Caire. Normalement, je n’avais pas de souci à me faire, car cette même instance avait accordé ce droit aux femmes musulmanes bosniaques violées par les soldats serbes. J’attendais avec impatience la réponse d’El Azhar. L’espoir grandissait de ne plus garder en moi cet enfant issu d’un viol. Mais je fus abasourdie lorsqu’El Azhar ne rendit aucune réponse et renvoya cette question au Haut-Conseil islamique algérien, prétextant que les viols étaient commis sur le sol algérien. Les femmes musulmanes bosniaques n’avaient pas été violées sur le sol égyptien, et Le Caire n’était pas et n’est toujours pas la capitale de la Bosnie… mais les femmes musulmanes bosniaques, elles, avaient pourtant obtenu le droit à l’avortement. Ce que ne disait pas El Azhar, mais qu’il fallait comprendre à travers son silence, c’est que les femmes algériennes comme moi avaient été violées par des terroristes musulmans : l’enfant issu de ce viol serait né musulman. Les femmes bosniaques, elles, avaient été violées par des non-musulmans : l’enfant à naître ne pouvait être musulman.»

  Faten Hayed
 Disponible sur :  http://www.elwatan.com/culture/mohammed-toufik-ecrivain-je-traduis-mes-maux-en-mots-16-05-2013-213945_113.php

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